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"Si les châtaignes et les raves venaient à manquer, la France serait ruinée", dit un dicton populaire limousin.
La cuisine limousine a la réputation peu flateuse d'être austère, pauvre et rustique. Rabelais dépeint le Limousin comme un " mascherave ", un mangeur de raves habitué à des plats solides, copieux et sans prétention. Pourtant, comme le soulignent Paul Robuchon et Christian Millau : " La pauvreté (…) agit comme un ressort. Elle oblige à faire bon avec ce qui vous tombe sous la main, à se casser un peu la tête, à avoir des idées afin d'échapper à la répétition et de donner des ailes au quotidien " (" Le meilleur et le plus simple de la France - Livre de poche).
C'est ainsi que la cuisine limousine, cuisine de terroir, sait accomoder son bœuf et sa châtaigne, sa pomme de terre avec ses langues de moutons. Le Limousin demeure sans doute le mascherave rabelaisien mais il sait aussi être un " léchadier ", un gourmet !

A- les produits de terroir :


1- les viandes et poissons :
Petit lexique de cuisine Limousine :
- débouerradour : instrument composé de 2 barres de bois reliées par un axe, avec lesquelles on enlevait la peau des châtaignes.
- faire chabrol : finir la soupe en y ajoutant du vin.
- pain bougné : pain saturé de bouillon.
- toupi : récipient servant à cuire les châtaignes sur un lit de raves et de pommes de terre.
- faire blanchir la châtaigne : mode de cuissson de la châtaigne qui consiste à l'ébouillanter, à enlever sa petite peau puis à la faire cuire 1 heure avec des raves et des pommes de terre.

a- la race bovine limousine :

Elevés au moyen âge comme animaux de trait, les bovins du Limousin deviennent des animaux de boucherie.
A partir de la Révolution, l'élevage du bétail subit de profondes mutations. En 1886, la création du herd book (livre généalogique) définit un premier standard de la race limousine : c'est une race de travail et de boucherie. L'élevage du bétail demeure aujourd'hui la première activité agricole de la région : la race limousine est largement plébiscitée pour ses facultés d'adaptation, sa robustesse, sa fécondité, sa facilité de vêlage et la qualité de sa chair. Elle est exportée dans 70 pays. L'élevage du "veau sous la mère" est une tradition qui connaît un regain de vigueur.

b- la race ovine limousine :

Depuis le moyen âge, on consomme la viande ovine séchée. A la campagne, les vieilles brebis ou " martines " sont attachées puis engraissées pendant quelques mois avant d'être consommées pour les mariages, les enterrements ou à mardi gras. En 1761, Turgot favorise l'élevage ovin dans la région en offrant des primes à l'abattage des loups, en introduisant de nouvelles races et en favorisant le développement des filatures. Au milieu du 19ème siècle, malgré le défrichement des bois et des landes, le cheptel ovin limousin stagne du fait de la concurrence des laines étrangères.
Il faut attendre l'impulsion donnée par de grands propriétaires du Limousin pour que la production d'agneaux de boucherie retrouve un élan véritable, depuis 1950, au point d'avoir atteint aujourd'hui le 1er rang national.

c- la race porcine limousine :

Ce sont les " culs-noirs " du pays Arédien, recensés depuis le 16ème siècle dans tout l'ouest du Massif central. Au 18ème siècle, on les emmène à Auch, Bayonne ou Bordeaux où on les engraisse pour faire de leurs salaisons des provisions pour les navires.
Elevé en semi-liberté autour de St-Yrieix-la-Perche, nourri à la pomme de terre, à la châtaigne, aux glands et aux racines, le cul-noir pèse à l'âge adulte (de 18 mois à 2 ans) entre 250 et 300 kg. Tué à l'approche de Noël, il présente un lard, blanc, ferme et fondant qui peut atteindre jusqu'à 18 cm d'épaisseur, qui peut atteindre un poids égal à tout le reste du corps. Depuis 1990, il s'est doté d'un label rouge.

d- les produits de la chasse et de la pêche :
"La région possède un domaine halieutique exceptionnel et un territoire de chasse parfaitement préservé (...) Le grand gibier se porte plutôt bien alors que les oiseaux subissent chaque année les retombées néfastes des conditions
climatiques peu propices aux couvées." (source : " Le petit futé " - Nouvelles éd. de l'Université - 2000). Les truites, carpes, perches et écrevisses abondent dans les nombreux cours d'eaux classés en 1ère catégorie du Limousin. Les sangliers, chevreuils, lièvres, faisans et perdreaux sont nombreux dans la forêt limousine qui couvre le tiers des surfaces de la région.

2- les autres produits :


a- les fraises, les myrtilles et les pommes :
Issues d'une production agricole polyvalente, compléments de revenus des éleveurs du veau sous la mère du canton de Beaulieu-sur-Dordogne, les guariguettes goûteuses et sucrées trouvent dans la vallée de la Dordogne le microclimat idéal ("la Riviera limousine") à leur épanouissement ;
Les myrtilles sauvages du massif des Monédières ont peu à peu été remplacées par une espèce venue d'Amérique, plus juteuse, résistante et sucrée. Les sols acides et riches en humus permettent une culture au milieu des bois ;
Les pommes lestre du Limousin, rustiques, fertiles et de conservation aisée, sont des pommes à couteau qui supportent mal les gelées tardives. Elles doivent leur nom à Turgot qui s'en vit offrir une qu'une fermière corrézienne était allée chercher sur le rebord de sa fenêtre : l'"estrot" en patois limousin.
"Les châtaignes du Limousin " - Chanson d'Eugène de Pradel :
On en voit sur toutes les tables,
A notre roi (Au président) même on en sert,
Du pauvre c'est le confortable,
Comme du riche le dessert.
Sœur de la pomme de terre,
On te doit bien ce beau refrain :
Oui de tous les fruits, je préfère
Les châtaignes du Limousin. (bis)

b- les châtaignes et les pommes de terre :

Depuis le moyen Age, la châtaigne -fruit graine très nourrissant- a connu un succès constant qui n'a été démenti qu'au milieu du 19ème siècle, avec l'avènement de la pomme de terre.
La châtaigneraie limousine s'est développée facilement dans un pays où les céréales panifiables, cultivées sur de faibles étendues, donnaient des rendements médiocres. L'intendant Turgot introduit avec peine la pomme de terre au 18ème siècle, comme substitut de la châtaigne, pour atténuer les effets des fréquentes disettes.
D'abord considérée comme nourriture à bestiaux, suspectée même un temps de provoquer la lèpre, la pomme de terre supplante finalement la châtaigne rongée par la maladie de l'encre et plus pénible à ramasser, au milieu du 19ème siècle.

c- la moutarde violette de Brive :

Préparée à partir de raisins noirs égrenés, cuits et passés au tamis qui forment un moût auquel on incorpore de la farine de moutarde, ce condiment piquant et sucré était adoré du pape Clément VI, d'origine corrézienne, au 14ème siècle ainsi qu'à la Belle Epoque.
Tombée en désuétude à la fin des années 50, le fabricant de liqueur Denoix la remise au goût du jour. Elle donne une note épicée au magret de canard poêlé, aux grillades de bœuf limousin, au veau sous toutes ses formes, au boudin noir et elle est parfaite pour parfumer une sauce.

e- les cèpes et girolles
font eux aussi partie intégrante du paysage culinaire limousin.

d- les vins et liqueurs :

Le vin de Branceilles du sud corrézien remporte une médaille de bronze à l'exposition universelle de Paris en 1878. Vin de pays, assemblage de cépages cabernet, gamay et merlot, son vignoble a été sauvé de l'oubli en 1986 par une coopérative de viticulteurs, après avoir été détruit par l'oïdium et le phylloxéra ; Il couvre désormais 30 ha contre 450, à son heure de gloire en 1878.
Son voisin, le vin paillé du pays bellocois et de Queyssac-les-Vignes, tire son nom de la méthode de séchage des grappes de son raisin qui sont déhydratées sur des clayettes recouvertes de paille de seigle, avant pressage.
Composée d'infusions de jus de noix vertes vieillies en fût de chêne pendant de longues années, de sirop cuit au feu et d'eaux de vie, la liqueur de noix est fabriquée à Limoges. Un apéritif à la gentiane est produit en Corrèze.
Haut lieu de la distillerie entre 1780 et 1930, la capitale limousine produisait aussi une cervoise grâce à la qualité de l'eau de la région. Fondée en 1765 par Turgot, la brasserie Mapataud qui employait 200 personnes, était l'une des plus importantes.
Composition d'un repas traditionnel :
" Durant des siècles, les produits de la cueillette -champignons, fruits des bois- et de la chasse -lièvre, sanglier, faisan- améliorent une cuisine rustique souvent très pauvre dont les principales composantes sont la châtaigne, les céréales, le porc et le mouton. " (source : "La France des saveurs" - Guides Gallimard - 1999)
a- au quotidien : pain, légumes et fruits, ex : entre les 2 guerres, le déjeuner hivernal d'un métayer se composait de châtaignes blanchies cuites avec des raves et des pommes de terre, d'une soupe puis des fruits ou bien un clafoutis (avec des cerises en conserve) ;
b- lors des grands travaux (au cours des battages) : le déjeuner se composait d'un plat de tête ou de fraise de veau puis de cochonailles et poulet avec choux et pommes de terre ; en dessert, tartes et clafoutis.

B- la cuisine traditionnelle :
(source : " Le guide du Limousin " - éd. de la manufacture - 1995)

1- le pain :
Tous les paysans produisaient autrefois des céréales ; ils pétrissaient eux même la pâte et cuisaient les tourtes, gros pains de seigle qui constituaient souvent la base des repas. C'est sur de larges mais fines tranches de pain que l'on versait la soupe. On attendait que le pain soit " bougné " ( :saturé de bouillon) pour le manger. Quand le pain était mangé, on faisait alors " chabrol " avec le reste de la soupe, en versant du vin dans le reste de bouillon.

2- la soupe :
Faite de légumes variés, où l'on trouvait toujours raves, pommes de terres, choux et poireaux, la soupe avait cuit pendant 2 ou 3 heures dans une marmite suspendue à la crémaillère au dessus du feu de cheminée. D'un secteur à l'autre du Limousin, les soupes étaient différentes : on
pouvait les fricasser (en ajoutant aux légumes des oignons que l'on avait fait dorer dans du lard, dans une poêle) ou bien on confectionnait la " bréjaude " (en versant dans la soupe du lard salé cuit et écrasé à la fourchette).

3- les crêpes salées :

Ce sont les " tourtous " en Corrèze ou les " galetous " dans la région de Limoges. Originairement considérées comme nourriture du pauvre, en remplacement du pain, elles étaient préparées avec de la farine de sarrasin ou de blé noir, dans une poêle sur la braise dans la cheminée. Ces galettes accompagnaient tous les plats, le " salé ", les oignons, la salade de pissenlits, la charcuterie. Elles sont devenues desserts avec du fromage blanc, du miel ou de la confiture.

4- les raves :
Les raves ou rabioles (: navets aux racines plates) entraient traditionnellement dans la composition du repas limousin. Dans la soupe, cuites à la marmite ou grillées sous la cendre, on leur accordait la propriété de dégager les bronches.

5- les châtaignes :
Lorsque l'on manquait de céréales, le châtaignier " arbre à pain " ou " oranger du Limousin " fournissait ses fruits pour remplacer la farine. Les châtaignes étaient consommées bouillies (les boursadas), grillées dans la braise (les chauvets) ou bien blanchies. Ce dernier traitement, plus élaboré, consistait à peler la châtaigne, la jeter dans l'eau bouillante puis à retirer sa " petite peau " au moyen d'un " déboueradour ". On la mettait alors à cuire dans un récipient, le " toupi ", sur un fond de raves et de pommes de terre, pour qu'elle n'attache pas. Elle était alors consommée avec du lait chaud.
En Corrèze, on confectionnait une sorte de purée de châtaignes, le " crève garçon " qui en dit long sur ses qualités digestives. En Creuse, on préparait la " châtagna ", à base de pain bis et de châtaignes crues que l'on mangeait en tranches minces entre les repas. Autour de Tulle et de Limoges, on préparait une bouillie, à base de farine et de châtaignes blanchies.
Aujourd'hui, on la consomme avec des viandes blanches, en hachis dans la volaille et le boudin. On en fait de la liqueur, de la crème de marrons, des gâteaux.

6- les pommes de terre :

Elles pouvaient accompagner les châtaignes blanchies. Elles pouvaient aussi être cuisinées sautées dans le saindoux ou la graisse d'oie, farcies, parfois en même temps que des oignons. Elles étaient cuisinées en pâté de pommes de terre : celui du Haut Limousin voyait la pomme de terre accompagnée de chair à saucisse et de persillade, entourés de pâte briochée ; celui du plateau marchois, sans viande avec herbes, était entouré de pâte briochée et garni, après cuisson, de crème fraîche. Aujourd'hui, de nombreuses déclinaisons existent d'une cuisinière à l'autre.
Pâté de pommes de terre

7- la farcidure et le millassou :
La farcidure est une sorte de pain de pommes de terre qui viennent remplacer en partie la farine de froment. Sur le plateau de Millevaches, la "farce dure" désigne un flan de fines herbes. Ce terme s'applique aussi à la "mique" en pays brivois. Le "millassou" est un gâteau de pommes
de terre râpées au lard, à l'ail et au persil, cuit à la poêle des 2 côtés.

8- les champignons :
La forêt Limousine recèle de cèpes et de girolles ; les cèpes sont cuisinés en omelettes, les girolles avec de l'agneau ou du bœuf.

Omelette aux girolles

9- les viandes :
a- le porc : dans les semaines qui suivaient son abattage, on mangeait des pâtés de foie, des rillettes, andouilles ou boulettes de viande hachée rôties dans du saindoux, ainsi que boudins aux châtaignes. On gardait les meilleurs morceaux confits ou salés pour les repas de fête. Le porc fournissait surtout le lard dont on farcissait le chou.
b- les abats : la cuisine limousine a eu très tôt l'art de préparer avec habileté " les petits ventres " que l'on trouve encore aujourd'hui, rue de la Boucherie, à Limoges : 4 pieds de mouton, bourse et fraise, nettoyés et blanchis, enveloppés dans le péritoine et cuits longuement. On trouve aussi : panses et joues de mouton, fraises et têtes de veau, giraud au sang de mouton et au lard.
c- les volailles : destinées essentiellement à la vente, le paysan en gardait quelques unes, notamment les oies pour ses confits, rillettes et foies gras.
d- le gibier : le "lièvre en chabessal", longuement mijoté dans une tourtière de forme ronde placée au dessus du feu, privilégiait le vin blanc dans sa préparation version limousine.

10- les fromages :
Le Limousin n'est pas un pays de fromage très renommé. Cependant, on y trouve :
a- la " calhada " : caillé de lait entier de vache .
b- les " calhadons " : fromages de chèvre .
c- la tome de Brat : fromage de brebis.

11- les gâteaux et spécialités sucrées :
a- le clafoutis : pâte à crêpe, aromatisée ou non de rhum, de cognac ou d'eau de vie locale, cuite dans une tourtière avec de petites cerises noires non dénoyautées.

Clafoutis
b- la flaugnarde : pâte à crêpe garnie de pommes ou de poires émincées.
c- le creusois : gâteau aux noisettes, cuit traditionnellement dans une brique.
d- le massepain : fabriqué à Saint-Léonard-de-Noblat, il est constitué de pâte d'amende pure et de sucre.
e- les réortes d'Aixe : couronnes dorées de pain de froment.
f- les craquelins de Châlus : de forme ronde, ils sont colorés de rouge par le cumin.
g- les canoles de Rochechouart et de Saint-Junien : mince bande de de pâte seiche et sucrée.
h- les cènes d'Eymoutiers : pâte dure dont la décoration rappelle l'ornementation d'une hostie.
i- les macarons du Dorat, les meringues d'Uzerche, les madeleines de Saint-Yrieix, les arènas de Saint-Junien, les croquants de Bort-les-Orgues.
 
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